EAU - Eau et hydroélectricité

EAU - Eau et hydroélectricité
EAU - Eau et hydroélectricité

Les besoins mondiaux en énergie électrique doublent en moyenne tous les dix ans. Les sources primaires d’énergie auxquelles on peut faire appel sont relativement nombreuses et variées: charbon, pétrole, gaz naturel, énergie hydraulique, marémotrice, géothermique, etc. Inégalement réparties dans le monde, elles existent cependant en quantité suffisante pour que le seul problème actuel soit le problème économique de leur utilisation optimale.

Mais il s’agit aussi de préparer l’avenir. Et la question se pose de savoir si, devant une demande sans cesse croissante, les réserves naturelles, la matière première d’où est tirée l’énergie électrique, pourront permettre d’assurer – et dans quelles limites – la satisfaction de tous les besoins.

Les gisements d’énergie hydroélectrique, à l’inverse des gisements minéraux (houille, pétrole, gaz), non renouvelables, revêtent la forme d’un flux inépuisable constamment entretenu par le cycle de l’eau. En outre, leur utilisation, si elle exige des investissements initiaux parfois considérables, ne demande plus par la suite qu’un effort modéré d’entretien et de renouvellement. L’énergie d’origine hydraulique permet ainsi de contribuer à la conservation des ressources énergétiques minérales non renouvelables en s’y substituant, à condition que cela n’entraîne pas des disparités économiques importantes.

Lors de la mise en service des premières centrales productrices d’électricité, le choix entre les deux sources d’énergie, hydraulique ou thermique, pouvant être utilisées dépendait essentiellement de l’importance des richesses hydrauliques ou minières, si différemment distribuées d’une région à l’autre. Avec l’accroissement rapide des besoins de la consommation et la nécessité d’utiliser au mieux les ressources disponibles, les données du problème ont évolué. Aujourd’hui, la structure des systèmes d’équipement à réaliser ne se décide qu’après une étude économique très poussée, fondée sur la comparaison de l’aménagement hydraulique envisagé avec une centrale thermique ou nucléaire de référence capable de lui être substituée comme moyen de production (même production annuelle totale et mêmes possibilités de puissance garantie et de puissance de pointe).

Les différents termes du bilan – d’une part, investissements, frais d’entretien, d’exploitation et d’amortissement, char-ges de combustible, et, de l’autre, profits correspondant à la quantité et à la qualité de l’énergie productible – se comptabilisent en valeurs capitalisées. La substitution du «projet hydraulique» à une centrale thermique ou nucléaire équivalente ne se fait, bien entendu, que si le bilan est positif.

1. Conception générale des aménagements hydroélectriques

L’eau que la pluie ou la neige amènent sur les reliefs montagneux possède une énergie potentielle qui, lors de l’écoulement, se dissipe dans les frottements et les tourbillons mais que l’on peut chercher à récupérer dans les aménagements hydroélectriques.

Le principe général est simple: il consiste à créer un cheminement où la perte d’énergie est moindre que dans le lit naturel du cours d’eau, et à obtenir une dénivellation suffisante pour produire une énergie capable d’entraîner une turbine.

Un aménagement hydraulique classique comporte donc:

– un ouvrage permettant de dériver les eaux en relevant au moins localement le plan d’eau de la rivière; cet ouvrage, barrage ou prise d’eau, peut aussi avoir pour rôle de constituer une réserve pour le stockage de volumes d’eau importants;

– des ouvrages d’amenée, qui conduisent l’eau dérivée jusqu’à l’endroit choisi pour utiliser la chute disponible; ces ouvrages sont constitués soit par des canaux n’exigeant que des travaux à l’air libre, soit par des galeries elles-mêmes à écoulement libre si l’eau présente une surface de contact avec l’air, ou en charge si l’eau remplit toute la section de la galerie;

– une ou plusieurs conduites forcées dans lesquelles l’énergie potentielle de l’eau due à la dénivellation se transforme en énergie potentielle de pression utilisable par la turbine;

– un ou plusieurs groupes turbine-alternateur dans lesquels s’opèrent successivement les transformations de l’énergie potentielle de l’eau en énergie mécanique sur l’arbre de l’alternateur et en énergie électrique aux bornes de cet appareil.

La structure générale d’un complexe hydroélectrique dépend – toutes considérations d’ordre économique mises à part – des caractéristiques hydrologiques, géologiques et topographiques du milieu. D’où l’importance et le soin avec lequel doivent être conduites toutes les études que comporte la préparation d’un projet d’équipement:

– études hydrologiques, dont le rôle est déterminant, puisque c’est de la connaissance aussi précise que possible des apports moyens en eau et de leurs fluctuations saisonnières et annuelles que l’on pourra déduire la capacité de production totale de l’usine et ses variations dans le temps;

– études géologiques également, car on doit tenir le plus grand compte de la nature des terrains sur lesquels seront implantés les ouvrages (pour un barrage, les questions de solidité des appuis et d’étanchéité de la cuvette sont primordiales; pour une galerie, c’est la tenue du terrain perforé qui importe);

– études topographiques enfin, la conception d’un aménagement hydroélectrique reposant en effet sur les possibilités de s’adapter au relief.

Deux schémas types d’équipement peuvent être envisagés: les «usines dérivations», qui comportent une prise d’eau relativement peu importante mais, au contraire, des ouvrages d’amenée considérables; les «usines barrages», constituées essentiellement par un barrage qui crée la chute et permet d’accumuler une partie du débit et par une usine accolée au barrage, faisant parfois corps avec lui, la conduite forcée étant pratiquement inexistante. Ces schémas types peuvent d’ailleurs se combiner et donner lieu à de multiples variantes.

Toutes ces études sont habituellement complétées par des essais sur modèles que l’on confie à des laboratoires d’hydraulique spécialisés.

2. Évaluation des ressources en énergie hydroélectrique

Potentiel théorique brut

Si, comme on l’a déjà noté, les ressources hydrauliques se renouvellent dans le temps, elles ne sont cependant pas illimitées en valeur absolue. C’est donc, dans une première étape, leur limite supérieure, ou potentiel hydroélectrique brut, qu’il importe d’évaluer.

D’une façon très générale, le potentiel hydroélectrique d’un bassin peut être défini comme la somme de toute l’énergie brute de ruissellement, qu’on pourrait théoriquement obtenir par l’intégration généralisée du produit QH (c’est-à-dire débit multiplié par dénivellation), tenant compte de tous les écoulements visibles.

La détermination d’un tel potentiel sur un bassin-versant et, par extension, sur l’ensemble des bassins mondiaux est donc simple dans son principe. Il n’est pas rare cependant de constater suivant les auteurs quelques écarts d’estimation: ils sont dus à l’imprécision des connaissances sur les données de base utilisées, en particulier sur tous les débits de toutes les régions du monde; mais cela dépend des réseaux d’observation et de mesures (plus ou moins denses) du ou des bassins considérés et ne peut que s’améliorer avec le temps.

Les valeurs utilisées dans l’évaluation du potentiel étant exprimées en mètres pour les altitudes ou hauteurs de chute et en mètres cubes par seconde pour les débits, il faut, d’après la relation précédente, multiplier le produit QH par 9,81 pour avoir la puissance P en kilowatts.

Une simplification possible consiste à arrondir ce coefficient à la valeur 10, c’est-à-dire à utiliser la formule P = 10 QH , ce qui n’introduit en fait qu’un «écart» inférieur à 2 p. 100, négligeable devant l’incertitude qui subsiste sur l’évaluation à l’échelle mondiale du débit Q .

Ce potentiel théorique brut, que certains appellent «potentiel sauvage», constitue la limite supérieure idéale de toutes les disponibilités hydroélectriques. Mais cette limite est trop éloignée des possibilités d’utilisation effective pour présenter d’autre intérêt que théorique; on se rapproche davantage du réel en corrigeant ce potentiel brut par des coefficients d’abattement convenables.

Potentiel théorique net

Même si l’on pouvait équiper un cours d’eau «intégralement», c’est-à-dire sans avoir à tenir compte de situations déjà acquises (telles que: villes construites en des lieux offrant des possibilités de grands réservoirs d’accumulation, existence de cultures ou de voies de communication ne pouvant être déplacées, débits d’irrigation, débits industriels ou d’usage domestique à réserver), il serait impossible de récupérer toute l’énergie hydraulique théoriquement disponible.

Sans même compter les parties hautes des bassins, qui sont pratiquement inéquipables, une fraction de cette énergie se dissipe sous forme de «pertes» dues à la nature même des phénomènes qui régissent l’écoulement de l’eau ou le fonctionnement des machines et qui sont inévitables, quoi qu’on puisse faire: pertes de charge dans les conduites et ouvrages d’amenée, rendement des turbines et alternateurs qui n’atteint jamais l’unité, pertes en ligne au cours des transports, etc. Elles ramènent le potentiel effectivement utilisable à 70 ou 75 p. 100 de sa valeur brute.

Le potentiel ainsi défini, et qui se calcule pour des évaluations à l’échelle mondiale par la formule P = 7,5 QH , est appelé potentiel théorique net pour le différencier du potentiel théorique brut (10 QH ).

Énergie théorique nette

La valeur de P est donnée en kilowatts. Si l’on désire exprimer les résultats sous une forme plus familière aux électriciens, c’est-à-dire en kilowattheures par an, on multiplie cette valeur par 8 760 (365 jours de 24 heures).

Mais c’est encore là un cas théorique extrême car toutes les usines de tous les pays du monde ne fonctionnent pas simultanément 24 heures sur 24 durant les 365 jours de l’année. On peut admettre comme limites raisonnables un fonctionnement à deux tiers du temps pendant 300 jours par an, et un fonctionnement limité à 9 ou 10 heures pendant le reste du temps (dimanches, fêtes légales, arrêts pour entretien ou réparations, etc.), soit au total 5 400 heures par an environ.

En exprimant toujours Q en mètres cubes par seconde et H en mètres, on obtient la relation E = 0,04 QH , qui donne en millions de kilowattheures l’énergie théorique nette disponible en année moyenne.

3. Possibilités mondiales de production d’énergie hydroélectrique

Le globe terrestre, d’une superficie de 510 millions de kilomètres carrés, ne comporte que 28 p. 100 de terres émergées, soit environ 145 millions de kilomètres carrés. Si l’on exclut toutes les régions polaires, c’est-à-dire l’Antarctique, l’Islande, le Groenland et les îles de l’océan Arctique, où des conditions météorologiques très spéciales (le froid en particulier) bloquent pratiquement tout ruissellement et rendent à peu près inutilisables les ressources hydroélectriques naturelles – l’ensemble représentant approximativement 8 p. 100 des terres émergées –, l’évaluation portera en définitive sur une superficie «utile» de l’ordre de 133 millions de kilomètres carrés.

Compte tenu de l’hypsométrie des diverses régions ou continents considérés (l’altitude moyenne de l’Asie est de 940 m, celle de l’Afrique de 620 m, celle de l’Amérique de 610 m, celle de l’Europe de 290 m, soit, pour l’ensemble des terres émergées, une altitude moyenne de 680 m); de la distribution des écoulements dans les cours d’eau suivant les caractéristiques géographiques, physiques et climatiques de ces régions ou continents, il est possible d’indiquer, d’une façon sommaire mais avec une approximation acceptable en ce premier stade d’évaluation, l’importance et la répartition du potentiel théorique brut dans le monde (cf. tableau).

On peut voir que:

– le continent asiatique, le plus étendu, est aussi celui qui offre, en valeur absolue, les ressources hydroélectriques les plus élevées;

– le continent américain (Amérique du Nord et Amérique du Sud réunies) le suit de très près (1 320 millions de kilowatts); il est cependant «plus riche» relativement, car on pourrait en tirer, du moins en théorie, 34,2 kilowatts par kilomètre carré contre 29,8 pour l’Asie ;

– quant aux disponibilités africaines, leur valeur surprendra sans doute ceux qui tenaient ce continent pour un des plus riches en énergie hydraulique; l’Afrique, avec ses 720 millions de kilowatts, vient certes en très bon rang, après l’Asie et avant chacune des deux Amériques, mais, en valeur relative (23,7 kW/km2), elle demeure au-dessous de la moyenne mondiale (26,2 kW/km2) et même de l’Europe (24,5 kW/km2).

Par ailleurs, les 3 800 millions de kilowatts qui, pour autant qu’on le sache, constituent la limite théorique des réserves hydroélectriques mondiales peuvent être évalués en énergie à 15 000 milliards de kilowattheures par an.

La production hydraulique annuelle avoisinait 1 800 milliards de kilowattheures vers la fin des années quatre-vingt. Dans l’hypothèse du doublement tous les dix ans, c’est donc vers les années 2015-2020 que devrait théoriquement s’achever l’équipement de tout le stock hydraulique disponible. Il est peut-être plus raisonnable d’admettre que la «loi du doublement», correctement vérifiée en ces dernières décennies, tendra, à mesure que les possibilités d’équipement hydraulique s’amenuisent, vers une forme plus asymptotique. C’est donc en définitive pendant un siècle au moins que pourra encore s’exercer, sans contrainte sérieuse, l’activité de ceux que l’on a pu appeler les «bâtisseurs de chutes».

Encyclopédie Universelle. 2012.

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